Rembrandt van Rijn (1606-1669)

Homère dictant ses vers à deux scribes, 1662-1663, huile sur toile, 130 x 97 cm

 

Restitution du tableau partiellement détruit.
Le dessin du musée de Stokholm.

Il n’existe qu’une partie d’un tableau détruit : la figure d’Homère (106 x 82,4 cm) conservé au musée Mauritshuis de La Haye. Commandé par don Antonio Ruffo, le tableau fut expédié inachevé au collectionneur à Messine à la fin de 1662 pour être approuvé par le commanditaire, puis renvoyé au peintre pour être achevé. Rembrandt le réexpédia en 1664.

Le tableau fut endommagé par un incendie au XVIIIe siècle. Il n’en subsista que la partie gauche, recoupée. Une vision d’ensemble, qui n’est qu’un projet, en est donnée par un dessin original conservé au Nationalmuseum de Stolckolm.

Le tableau comprenait à l’origine, non pas un, mais deux scribes, comme cela est mentionné dans le livre de compte de Ruffo. Il nous a fallu imaginer l’attitude du second scribe en respectant la manière utilisée par Rembrandt quand il groupe des personnages autour d’une figure dominante (La leçon d’anatomie du docteur Tulp -1632-, Le Syndic de la guilde des drapiers- 1662-).

Homère aveugle récite ses vers en levant sa main d’un geste déclamatoire, l’autre main s’appuyant sur un bâton. Le sujet est lié à une théorie relative à l’humeur mélancolique des créateurs, philosophes, artistes et poètes. Cette théorie connaissait un grand succès dans le milieu des humanistes du XVIIe siècle. On en trouve un écho dans ce texte que Rembrandt a sans aucun doute lu : « Nous voyons souvent des mélancoliques sans instruction, stupides, irresponsables (comme on prétend qu’Hésiode, Ion, Tynnicos de Chalcis, Homère et Lucrèce l’étaient) soudainement pris de cette frénésie lorsqu’ils se transforment en grands poètes et inventent des chants merveilleux et divins qu’eux-mêmes comprennent à peine… » (Agrippa de Nettesheim, Occulta philosophia, 1510).

Puisque le thème sous-jacent traité est donc la création poétique d’inspiration divine, l’utilisation de plusieurs sources lumineuses dispensées de manière arbitraire procurera à cette scène son caractère idéal qui en fait une vision. Pour les parties les plus éclairées, l’application de la pâte colorée avec un couteau à extrémité effilée accentue la plasticité d’un élément, qu’il soit vêtement ou visage, mis en évidence sur un fond sombre presqu’uniforme. Quant aux dimensions de cette restitution, nous les avons déduites de celles du fragment subsistant.

(c) Daniel Lagoutte