Le Vieil Horace défendant son fils, 1782, huile sur toile, 61 x 50 cm
David assiste en 1782 à une représentation de la tragédie de Corneille, Horace. En voici l’argument : Rome, cité des Horaces, et Albe, cité des Curiaces, sont en guerre. Les rois ont décidé de remettre le sort de leurs cités à trois guerriers de chaque camp. Les champions désignés de part et d’autre sont les trois Horaces et les trois Curiaces. Mais le jeune Horace est marié à Sabine, jeune fille albaine dont le frère Curiace est fiancé à Camille, sœur d’Horace. Tous marchent au combat. Un seul en sortira vivant, au grand désespoir de Camille qui aura perdu deux frères et un fiancé… Horace, offensé et la jugeant traître à sa patrie puisqu’elle pleure un ennemi de Rome, la tue. Cependant Valère, chevalier romain, amant de Camille, vient demander au roi Tulle justice du crime dont Horace s’est rendu coupable. Le roi ordonne au coupable de se défendre. Horace répond que toute défense est inutile et qu’il est prêt à mourir. Alors le vieil Horace plaide la cause de son fils d’une manière si éloquente que le roi Tulle pardonne au vainqueur.
Au sortir de la représentation théâtrale, David fit aussitôt un croquis correspondant à la dernière scène de la pièce de théâtre afin d’en tirer un tableau où figurerait le vieil Horace, debout sur les marches du temple, plaidant devant le peuple. Avec ce sujet, David veut donner un exemple de patriotisme et de stoïcisme. Il présente son projet à l’auteur dramatique Sedaine qui le critique : « L’action est presque nulle ; elle est toute en paroles ». Déçu, David abandonne donc ce projet pourtant bien avancé et réalise de nombreuses esquisses qui mèneront trois ans plus tard au Serment des Horaces.
Il était intéressant de reconstituer l’aspect que pouvait avoir ce tableau, bien présent dans l’esprit de l’artiste avant d’y être gommé, mais qui contient en germe le chef-d’œuvre du Serment, véritable symbole inaugurant le style révolutionnaire et néoclassique qui allait marquer toute une génération.
Sous l’angle narratif, la composition en frise, telle qu’on la trouve sur les sarcophages romains, va organiser la disposition des personnages. Y est clairement assumée la domination masculine. La femme est dans une position d’abandon ou bien toute à sa douleur. La représentation est conçue de façon géométrique. De gauche à droite, l’effet va en progressant, souligné par l’éclairement, les couleurs (bleu, blanc, rouge) et l’enchaînement des mouvements des acteurs de la scène. Les figures sont entièrement absorbées dans un moment de crise propre au déroulement d’une action tragique. Tandis que le corps de Camille git au pied de l’escalier et que l’albaine Sabine, pleure sur son cadavre.
(c) Daniel Lagoutte