La nuit, 1813-14, huile sur toile, 40 x 50 cm
En 1813, le célèbre peintre et architecte allemand Karl Friedrich Schinkel reçoit la commande de la décoration d’un salon pour la maison du commerçant Jean-Paul Humbert qui lui demande de peindre les différentes heures du jour en six tableaux muraux. Le temps est, à ce moment de sa carrière, un élément important de l’art de Schinkel, les phénomènes cosmiques étant associés à l’histoire humaine figurée par les âges de la vie ou les cycles historiques.
La nuit correspond au soir de la vie. Une barque quitte la rive et se dirige vers l’île aux morts, la ruine gothique, symbole spirituel, lieu de souvenir en voie de disparition. Le batelier hésite encore, contemple et médite dans l’attente de la mort avant le passage définitif à la vie éternelle. Le soleil décline et bientôt la nuit couvrira la scène. Pour Schinkel, le but de l’art est de sanctifier la nature, une nature façonnée par l’homme et sa culture. Mais la conception du tableau est toute théâtrale. Par la continuité entre le premier plan et l’arrière-plan, le spectateur est invité à penser au-delà du moment représenté, à s’imaginer comment la scène va changer.
Entre 1943 et 1945, le bâtiment de l’Altes Museum à Berlin qui abritait plusieurs toiles de Schinkel, dont celle-ci, a brûlé, causant la perte irréversible de ces dernières. La nuit inscrit dans son thème sa perte dramatique. Elle portait en elle sa disparition par le feu, l’isolement, la ruine et l’ombre du néant.
(c) Daniel Lagoutte