Portrait d’Isabelle du Portugal, 1429, huile sur bois, 49,5 x 57 cm
Le 19 octobre 1428, Jan van Eyck dut interrompre l’exécution du retable de l’Agneau mystique commandé pour la cathédrale Saint-Bavon de Gand. Le duc Philippe le Bon lui confiait une mission urgente au Portugal : réaliser pour son compte le portrait de l’infante Isabelle en vue d’un éventuel mariage. On sait que par mesure de sécurité deux tableaux ont été réalisés, l’un regagna les Flandres par mer, l’autre par terre. L’un d’eux au moins a dû parvenir à destination. Voici le texte inscrit sur le cadre : C’est le portrait qui fut envoyé à Philippe, duc de Bourgogne et de Brabant de dame Isabelle, fille du roi Jean de Portugal et d’Algarbe, seigneur de Cepte par lui conquise, qui fut femme et épouse du ci-dessus duc Philippe.
Ce tableau disparu est le premier portrait documenté de la main de Van Eyck, mais malheureusement, on perd sa trace en 1798 dans le palais de Marguerite d’Autriche à Malines où il était conservé. Durant une période de troubles et de brigandage, des hordes de paysans ont saccagé les lieux, brisant tout sur leur passage. Pour nous en faire une idée, il nous reste heureusement une copie dessinée à la plume datant du dix-septième siècle.
Ce tableau disparu bénéficie d’un intérêt particulier.
En effet, la réalisation de ce type de portrait est habituellement considérée comme étant une véritable révolution en peinture, et il a été suggéré que c’est l’invention d’une aide optique comme la camera obscura qui aurait apporté ce soudain changement.
Pour ce type de portrait de mariage destiné au futur époux, la clientèle de l’époque attachait plus d’importance à la ressemblance réaliste qu’à la représentation du pouvoir. On ne peut nier que la technique de la peinture à l’huile ait pu jouer un grand rôle en donnant aux portraits une remarquable qualité de vie. La première phase d’exécution consiste à tracer un dessin précis à la plume et encre de Chine, puis à passer l’imprimature en terre de Sienne diluée qu’on laisse longuement sécher. Les couleurs sont ensuite successivement appliquées en glacis par fines couches superposées.
Le portrait d’Isabelle de Portugal est particulièrement intéressant pour la manière dont le personnage en nous regardant et en souriant, pose sa main sur le faux parapet de pierre. C’est là le prototype même de la Joconde peinte par Léonard de Vinci vers 1506. Par ce geste, Isabella étend sa présence hors de l’espace pictural et dans celle de l’observateur. D’où le soin particulier avec lequel sont peintes les deux mains.
(c) Daniel Lagoutte