Raphaël Sanzio (1483-1520)

Le Jugement de Pâris, 1510-1511, huile sur bois, 97 x 146 cm

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La restitution de la peinture de Raphaël.

Au sujet de cette œuvre, on évoque tantôt une peinture perdue, tantôt une fresque décorant une ville romaine, tantôt un dessin destiné uniquement à être reproduit en gravure pour être diffusé. C’est Marcantonio Raimondi qui s’est chargé de cette tâche.

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Gravure de Marc-Antoine Raimondi, vers 1510.

Cette peinture se devait d’être restituée parce ce qu’elle constitue un maillon essentiel de la chaîne qui relie les œuvres d’art entre elles. En effet, Raphaël a réalisé sa composition vers 1510 à partir du bas-relief hellénistique datant des IIe-IIIe siècle. La gravure qu’en a tiré Raimondi a servi de modèle à des générations d’artistes jusqu’à Manet (Le Déjeuner sur l’herbe, 1863), Cézanne et Picasso.

Il convient de décrypter ce que représente cette gravure : « Pâris assis à la gauche de l’estampe, remet la pomme d’or à Vénus qui est debout devant lui, entre Junon qui menace Pâris d’un geste de la main droite, et entre Pallas qui, vue par le dos, est déjà occupée à se rhabiller. Sur le devant de la droite sont assis à terre deux fleuves et une Naïade. On remarque au milieu et en haut un génie ailé en l’air, mettant une couronne de laurier sur la tête de Vénus. Au-dessus de ce génie est représenté le soleil dans son char attelé de quatre chevaux, et précédé de Castor et Pollux montés à cheval. A droite, le vent porte en l’air Jupiter accompagné de son aigle, de Ganymède, de Diane et d’une autre déesse. On lit dans une tablette à la gauche et en bas : SORDENT PRAE FORMA/ INGENIVM/ VIRTVS/ REGNA AVRVM. (Devant la beauté sont sans valeur l’intelligence, la force, la puissance, l’or), et vers le milieu : RAPH. VRBI. INVEN. — MAF (ce qui signifie : Raphaël en est l’inventeur, c’est Marcantoni qui l’a fait ; Marcantonio fecit).

Le Jugement de Pâris gravé par Raimondi exercera une grande conséquence sur l’évolution de l’art. Le motif du jugement sera repris, entre autres, par Rubens ; celui de la nymphe par Manet. Mais ces artistes ne retiennent que ce qui correspond à leur préoccupation : des corps féminins pour Rubens, la femme nue qui nous regarde pour Manet, deux thèmes à vocation également provocatrice.

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Manet, Le Déjeuner sur l’herbe (1863).

Face à la complexité de l’histoire (la storia pour les peintres de la Renaissance), il a fallu s’efforcer de reconstituer ce qu’aurait pu être cette peinture dans le style de Raphaël : originalité des idées, équilibre judicieux de la composition, justesse des contrastes, richesse de signification, fécondité de l’invention. Techniquement, le dessin domine, traduisant les distances entre les différents plans, dictant la distribution des lieux et la répartition des couleurs, imposant le rythme des lumières et des ombres. Une telle maîtrise et la participation de plusieurs collaborateurs obligent à se résoudre aujourd’hui à ne réaliser qu’une modeste restitution ne visant qu’à rendre compte de l’effet d’ensemble de la peinture.

(c) Daniel Lagoutte