La Sieste champêtre, vers 1840-1844, huile sur toile, 81 x 97 cm
Pourquoi Courbet a-t-il toujours refusé de se séparer de sa peinture de L’Homme blessé conservée à Paris au musée d’Orsay ? La réponse nous a été donnée quand en 1973 on s’aperçut par une radiographie que le tableau de L’Homme blessé cachait l’image d’un autoportrait de Courbet en compagnie de Virginie Binet, « l’amour de sa vie ». La composition est très proche de celle d’un dessin de Courbet conservé au musée de Besançon, dessin intitulé La Sieste champêtre (1840).
Mais le couple se sépare après dix années de vie amoureuse. Alors, en 1854, Courbet reprend sa toile, supprime l’image de Virginie, vieillit les traits de son propre visage, appose une moustache et un collier de barbe, modifie le paysage et l’emplacement des mains, ajoute une épée et une tache de sang au niveau du cœur, suggérant que le personnage a été blessé au cours d’un duel. C’est devenu là l’image de L’Homme délivré de l’amour par la mort.
Le travail de restitution a consisté à imaginer le tableau d’origine en se fiant aux indications fournies par le dessin, et surtout à faire revivre la passion de l’artiste quand il a représenté sa femme blottie contre lui. Le bord inférieur du tableau laisse supposer que les jambes de l’homme sortent du cadre pour venir toucher le spectateur. La main aussi pointe vers nous. Tout se passe comme si l’homme, peintre-spectateur, se réveillait et apercevait son propre corps dans un miroir. La matérialité des éléments situés au premier-plan doit donc être très affirmée.
(c) Daniel Lagoutte