Van Gogh, Vincent (1853-1890)

Portrait de l’artiste par lui-même sur la route de Tarascon, 1888, huile sur toile, 44 x 48 cm

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Restitution du tableau disparu.

     L’artiste évoque ce tableau disparu dans sa lettre 524 à Théo : « une pochade que j’ai faite moi, chargé de boîtes, de bâtons, d’une toile sur la route ensoleillée de Tarascon (…) il y a le semeur (…) et d’autres encore tout à fait mal venus et inachevés« . On constate donc la coïncidence de son autoportrait et de l’image du semeur, œuvres dont il n’est pas satisfait. Ce malvenu est difficile à définir, l’inachevé nous rallie à « l’échec » du semeur exprimé souvent … Vincent, celui qui n’a pu soutenir une carrière à laquelle il se destinait en premier lieu, celle de pasteur, le semeur de paroles, de vérités, … et l’autre, celle de l’artiste, celui qui se peint, allant ou revenant de peindre. Il établit aussi une relation avec l’image du Tartarin d’Alphonse Daudet, dont il « aspire à partager la gloire« .

          Conservé à Magdebourg, au Kaiser Friedrich Museum. En 1945, les œuvres du musée ont été réunies dans la mine de sel de potasse à Neustassfurt où elles ont été pillées ou incendiées par les Nazis en mai 1945. L’actuel conservateur du musée, Tobias von Elster, a établi en 1995 que 338 des 400 tableaux entreposés ont ainsi disparu.

            La toile est presque carrée, stable par son format. En contraste, au centre, la silhouette de Van Gogh se déplaçant vers la gauche. Le tout est scandé par les deux verticales des troncs d’arbre, et les bandes horizontales de la route et de son rebord. Les touches doivent traduire la marche, les pas répétés du peintre vagabond à la recherche du motif. Il a fallu travailler vite, Van Gogh utilise en effet le terme de « pochade » pour décrire cette œuvre. Il est ce « voyageur  » suivi par son ombre qui va quelque part, « à une destination« , mais qu’il est encore à ignorer lui-même. Il est sur un chemin ouvert qui dicte l’aller et le retour entre un séjour fixe et un séjour transitoire. Il est réaliste, conscient de la réalité de l’artiste qui doit se mouvoir sans cesse sur une terre pleine d’embûches, et selon un destin imprécis, voire implacable. Il faut s’empêcher de penser pour réaliser une telle restitution.

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Le Kaiser Friedrich Museum, à Magdebourg.

(c) Daniel Lagoutte