Cimetière de couvent sous la neige, 1817-1819, huile sur toile, 121 x 170 cm
Cette grande peinture est caractéristique du style de Friedrich, cet artiste romantique allemand, intensément mystique, travaillant habituellement sur des toiles aux dimensions plus modestes. Au milieu d’un cimetière chrétien, la ruine verticale de l’abbaye est mise en évidence par les deux obliques de deux immenses chênes. Ces arbres évoquent celui que les Saxons vénéraient, l’Irminsul, qu’ils considéraient comme étant la colonne cosmique soutenant la voûte céleste, axe du monde, arbre de vie, symbole du salut. Il fut détruit en 772 par Charlemagne lors de la christianisation des peuples germains.
Les silhouettes fantomatiques des moines semblent se livrer à « une parodie de procession dans un édifice en ruine, ultime et dérisoire vestige d’un monde disparu. » Au fond, un grand vide s’étendant à l’infini, avec, au-dessus, un ciel brillant d’une lueur axiale diaphane, ce sont les deux directions définissant une croix dont le motif se répète partout.
Les Saxons se réunissaient autour d’un arbre sacré nommé Irminsul qui fut abattu par les armées de Charlemagne en 772 afin de christianiser le pays. On rapporte que Charlemagne moquait de la croyance des Saxons selon laquelle Irminsul empêchait le ciel de leur tomber sur la tête. On comprend mieux ainsi l’importance donné par Friedrich au ciel parmi les arbres.
Le chef-d’oeuvre fut détruit en 1945 dans les décombres de l’ancienne Nationalgalerie de Berlin écrasée sous les bombes.
La technique d’exécution met en évidence la nécessité de travailler simultanément fond et formes, le ciel est peint entre les branches pour accorder une nécessaire unité plastique. La toile est préparée avec une couche d’ocre jaune assez soutenu. Cette teinte est partout présente, mélangée au blanc, à la Terre d’ombre brûlée et au bleu de Prusse. Un soin particulier est accordé au rendu de la profondeur par l’application des lois de la perspective linéaire et aérienne. Accroché aux branches, la neige est d’un blanc pur, non modulé pour mieux traduire ainsi le silence qui éclaire les ténèbres en ce cimetière enseveli. Spirituelle, la vraie vie est préservée, elle est à trouver ailleurs, à l’intérieur du peintre dont ce tableau disparu rend toute l’intensité.
(c) Daniel Lagoutte
Vidéo sur Youtube de présentation du tableau