La Blouse roumaine (premier état), 1939, huile sur toile, 92 x 73 cm
Point d’aboutissement de l’intérêt de Matisse pour les textiles, dont la collection – tissus, tapis et tentures – présente dans l’atelier accompagne la création artistique, la série des « blouses roumaines » constitue aussi un moment où, partant de l’étude spécifique de motifs, se noue pour l’artiste une réflexion plus générale sur le décoratif.
Matisse évoque ce que représente pour lui le tableau de La Blouse roumaine : « C’est comme ces plantes qui courent en prenant racine : l’extrémité suppose tout le reste » (rapporté par le père Couturier). Matisse a travaillé cette toile pendant six mois, du 5 octobre 1939 au 9 avril 1940. Il s’avère nécessaire d’en restituer l’une des étapes détruites qui ont mené à ce tableau essentiel dans la carrière de Matisse. Pour cela, nous utilisons les photos qui ont été prises durant le travail. Un film documentaire montrant les quatorze états est réalisé en 1945-1946 par François Campaux.
Matisse fait de cette œuvre une expérience démonstrative de sa méthode de travail.
Après avoir défini son sujet, Matisse élague petit à petit pour concentrer son effet. Les motifs floraux du fond sont d’abord exaltés, puis supprimés, le canapé volatilisé, les broderies de la blouse deviennent le centre d’intérêt du tableau. « A chaque étape, j’ai un équilibre, une conclusion. A la séance suivante, si je trouve qu’il y a une faiblesse dans mon ensemble, je me réintroduis dans mon tableau par cette faiblesse – je rentre par la brèche – et je reconçois le tout… Un noir peut très bien remplacer un bleu puisqu’au fond l’expression vient des rapports. On n’est pas esclave d’un bleu, d’un vert ou d’un rouge. Vous pouvez changer les rapports en modifiant la quantité des éléments sans changer leur nature » (rapporté par Tériade, 1936).
(c) Daniel Lagoutte