Le Portrait de Dorian Gray, 1890, huile sur toile
Ce tableau détruit est une fiction, « ce tableau est une malédiction ». Il a été imaginé par Oscar Wilde dans son roman pour être finalement dramatiquement détruit. Voici l’histoire : le peintre Basil Hallward a mis toute son âme dans ce portrait d’un jeune homme d’une extraordinaire beauté à qui rien ne saurait être refusé. Grâce à la magie d’un vœu qu’il a fait, toutes les vicissitudes de la vie ne laisseront aucune trace sur le visage du modèle, mais seront inscrites sur le portrait. Ainsi, le tableau reflètera toutes les ignominies du modèle.
Au cours du récit, en compagnie du portraitiste, Dorian écarte le rideau qui cache la peinture : « Une exclamation d’horreur s’échappa des lèvres du peintre lorsqu’il vit dans la faible lumière le visage hideux qui lui souriait sur la toile. Il y avait quelque chose dans son expression qui le remplit de dégoût et de répugnance. Grands dieux ! C’était le visage de Dorian Gray qu’il regardait ! L’horreur, quelle qu’elle fût, n’avait pas encore entièrement ravagé sa stupéfiante beauté. Il restait encore des reflets d’or dans la chevelure qui s’éclaircissait et un peu de rouge sur la bouche sensuelle. Les yeux bouffis avaient gardé quelque chose de la beauté de leur bleu. Le contour des narines et le modelé du cou n’avaient pas encore perdu complètement la noblesse de leurs courbes. C’était bien Dorian. Mais qui avait peint ce tableau ? Il lui semblait reconnaître son coup de pinceau. Quant au cadre, il était de lui. C’était une idée monstrueuse et pourtant il eut peur. Il prit la chandelle allumée et la tint devant le portrait, Son nom figurait dans le coin gauche, tracé en longues lettres d’un vermillon brillant. »
Mais, avec le temps, arrive le moment fatidique où deviendra insupportable à Dorian la vision de sa propre déchéance. N’en pouvant plus, il poignarde le tableau et tombe mort comme s’il s’était frappé lui-même.
Pour donner une idée de ce qu’aurait pu être ce tableau détruit, il ne fallait pas céder à la facilité de figurer la laideur, mais afficher une image du vice convaincante par la mollesse des traits et de la posture du personnage, les mains trahissant sa culpabilité.
(c) Daniel Lagoutte