Nu rose crevette, 1935, huile sur toile, 73 x 54 cm
Le 18 avril 1935, Bonnard vient rendre visite à Matisse qui lui a montré ce qu’il était en train de faire. Bonnard trouve son Nu rose crevette en cours de réalisation en bonne voie de réussite, mais Matisse poursuit son travail dans une mauvaise voie et le gâche. Il détruit le tableau. Heureusement, Matisse a l’habitude de faire photographier ses peintures pendant leur réalisation. Il montre les clichés à Bonnard. Celui-ci l’encourage à reprendre d’après photo le Nu rose « qu’il a vu avec peine tellement démoli. » Ce que n’a pas fait Matisse.
De 1934 à 1939, Matisse travaille en ayant Lydia Delectorskaya comme assistante et modèle. On constate ici comment, sous l’influence de la jeune russe, le goût de Matisse pour le décoratif passe des aplats peints au dessin peint. Cette première étape était à montrer.
Le peintre se concentre sur le nu qu’il rend plus abstrait en éclaircissant les ombres, en supprimant le collier, en effaçant les traits du visage. « Si on met des yeux, un nez, une bouche, ça n’a pas grande utilité ; au contraire, ça paralyse l’imagination du spectateur et ça oblige à voir une personne d’une certaine forme, une certaine ressemblance… tandis que si vous donnez des lignes, des valeurs, des forces, l’esprit du spectateur s’engage dans le dédale de ces éléments multiples… et alors… l’imagination est délivrée de toute limite. » ( rapporté par G. Charbonnier, 1960 ). Mais, en faisant ainsi, sa structure se défait. « Ce n’est même plus le même style », regrette Matisse.
Nous avons tenté de reconstituer le tableau dans l’état précédent celui de sa destruction, celui qui avait tant plu à Bonnard.
(c) Daniel Lagoutte
