Tête de paysan, 1913, huile sur toile, 20 x 20 cm
Ce petit tableau détruit de Malévitch est un témoin des premières recherches qui vont mener l’artiste au Suprématisme, synthèse de deux cultures complémentaires : tradition occidentale et vision orientale orthodoxe. Il permet de mieux comprendre la démarche suivie.
A partir de 1907, contre le raffinement du Symbolisme, Malévitch cultive les thèmes qu’il veut primitifs, grossiers, vulgaires. Ce Néo-Primitivisme puise dans l’art enfantin et les décors des objets d’art populaires. Cette apparente gaucherie traduit une liberté créatrice, en se référant volontiers à Gauguin.
Malévitch se tourne alors vers des thèmes liés à la campagne. Il simplifie les formes avec un contour fortement appuyé, réduisant son sujet à un archétype, il souligne la robustesse des personnages, cherchant à produire une impression monolithique. Ce visage du paysan est à rapprocher de celui du Christ des peintures d’icônes, les yeux regardant vers l’intérieur la vraie réalité. Il s’agit bien sûr pour Malévitch de ne pas réaliser un portrait, mais de faire un tableau. La lumière fuse de la peinture elle-même. L’art ne doit pas illustrer la vie mais être un moteur de vie. D’où l’importance des couleurs, mais libérées des contraintes de l’imitation de la réalité.
(c) Daniel Lagoutte