Le Roi des Aulnes, 1825, huile sur toile, 54 x 71 cm
Ce tableau disparu a pour thème un court poème écrit par Goethe en 1782 intitulé Le Roi des Aulnes et qui connut en son temps un grand succès. Goethe reprend une vieille tradition des peuples germaniques. Le roi des Aulnes règne sur un peuple maléfique d’esprits de la forêt, les Elfes, qu’une liberté de traduction a transformés en Aulnes. Les Elfes sont des divinités aériennes éprises de danses nocturnes dans les prés, invitant les humains à se joindre à elles, mais en réalité leur apportant la mort. Leur roi poursuit un père et son fils en voyage, convoitant l’enfant. Tandis que le père s’efforce de le calmer, l’enfant ne fait que répéter les paroles que lui susurre le roi des aulnes. La terreur s’empare de lui ; menacé de toutes parts, l’enfant crie. Le père s’épouvante à son tour et lorsqu’il arrive au seuil de sa maison, il n’a plus dans ses bras qu’un enfant mort.
En 1931, fut organisée à Munich, dans le Glaspalast, une prestigieuse exposition consacrée à la peinture romantique allemande. Un incendie criminel détruit complètement l’immense verrière. Plus de mille peintures et sculptures furent endommagées, et plus de 110 œuvres du début du XIXe siècle furent entièrement détruites, dont celle-ci avec d’autres peintures de Carus, Friedrich, Schwind, Blechen et Runge. Seules 80 purent être sauvées parmi les décombres.
Le tableau doit rendre cette impression d’épouvante qui a inspiré tant d’écrivains et compositeurs (notamment Schubert). En même temps que la peinture, Carus excella en médecine générale, anatomie, botanique, et géologie. Ainsi, le paysage est pour lui la traduction d’un inconscient organique de la nature, l’œuvre de forces prométhéennes, le lieu de manifestation d’esprits malins (les feux follets accompagnant les Elfes). Le ciel nocturne devra sembler peser lourdement sur la terre traitée méticuleusement. Il nous faut rendre cette puissance. « La nature, écrit Carus, en tant qu’elle provoque sans interruption de nouveaux phénomènes ou signes de sa vie intérieure, est l’organisme absolu ou macrocosme ». Concernant la méthode utilisée ici, nous avons suivi les indications fournies par Goethe et appliquée par Carus : la toile est préparée en gris. Il s’agit du principe des trois plans. On commence par l’arrière-plan, le ciel et les lointains, fondé sur le bleu, puis le plan médian fondé sur le vert. Le premier plan est travaillé ensuite consciencieusement dans un ton plus brun. L’aspect final est une surface brillante extrêmement lisse.
(c) Daniel Lagoutte